dimanche 25 octobre 2020

VI. Du Coran

Introduction

Le Coran est l'objet de critiques diverses, portant sur sa structure, ses sources, ses enseignements, ou la pertinence de son contenu. Dans le présent article, nous nous arrêterons sur les critiques les plus pertinentes, et ferons une analyse logique formelle afin d'en étudier la consistance.

Nous ne nous arrêterons pas sur les critiques d'ordre subjectives, et non vérifiables.


B. Sources du Coran : 

Le Coran et Les Écrits Apocryphes.


Depuis l'époque de sa rédaction, le Coran a été interrogé quant à sa source d'inspiration. Les chrétiens découvrant le livre y ont retrouvé une signature chrétienne, arienne, agarienne. Les lettrés Juifs y ont identifié une griffe midrachique et des échos talmudiques. Certains y ont encore cherché des inspirations mazdéennes, ou encore mithraïstes. Qu'en est-il concrètement ?


B.1. Source chrétienne :

Le Coran se revendique confirmer les anciennes révélations, chrétienne et Juive. En ce sens, le fait de retrouver des récits rejoignant des passages de la Bible sont un fait reconnu par le Coran. Néanmoins il y a des assertions affirmant que le Prophète aurait soit été un prêtre arien, soit été influencé par un moine nestorien, ou arien. 

B.1.1. Muhammad serait un prêtre hérétique chrétien :

Du point de vue chrétien, le fait de voir en le Prophète un prêtre chrétien hérétique est compréhensible. Car du vivant du Messager, il existait encore un grand nombre de courants chrétiens non orthodoxes. L'islam reconnaissant la messianité de Jésus et ayant une appréhension particulière sur le plan eschatologique et christologique. Il est donc ici question de croyance. 

Il n'y a donc pas grand chose à dire de plus sur ce plan. Sinon que le Jésus coranique correspond davantage au personnage historique, que celui des courants chrétiens dominants, orthodoxe ou catholique. Il ne se revendique pas dieu, enseigne la Thora et les prophètes.


B.1.2. Muhammad aurait un informateur :

Une seconde thèse est que Muhammad aurait un, voire plusieurs informateurs chrétiens. On cite dans ce sens deux candidats. Un oncle de Khadija, première épouse du Prophète nommé Waraqah, et un certain prêtre que le grand-père de celui-ci aurait croisé lors d'un voyage en Syrie avec son petit fils alors âgé de quelques années. Or, le premier, Waraqah est mort avant l'avènement de l'apostolat du prophète. Et n'a pas pu suivre celui-ci lors de sa mission. Et le second n'aurait croisé Muhammad que brièvement, alors que celui-ci était enfant. Les deux récits sont par ailleurs considérés faibles.

Or, en mettant que le Prophète aurait un informateur ou même plusieurs, cela n'aurait rien de préjudiciable quant à sa mission de prophète. En effet, tous les anciens prophètes consultaient les rouleaux de la Bible, n'hésitant pas à en citer des passages. Cette critique ne montre donc pas que Muhammad aurait fait une imposture en ayant accès aux anciennes écritures. Il faudra donc plutôt étudier les divergences du Coran avec les anciennes écritures afin d'en vérifier la pertinence.


B.2. Sources juives :

Les informations du Coran sur l'exode, Moïse et cetera sont connues. Ce qui est moins connu, ce sont des passages du Coran évoquant des midrachim et extraits du Talmud. Ce qui a, comme avec les érudits chrétiens suscité l'idée chez certains, comme Patricia Crone et Michaël Cook, d'une origine juive du Coran, ou une marque judaïque du moins. La thèse Hagarienne soutient que l'islam serait à l'origine une secte juive messianique. Comme pour le pendant chrétien, cette thèse n'est pas qu'une simple idée sans fondement. Mais plutôt le résultat d'une mentalité antijuive des byzantins, comparant l'islam naissant à une nouvelle secte juive. Pratiquement, cela n'a pas d'incidence sur la crédibilité du Coran.

Comme pour les théories supra, il faut plutôt fonder une critique construite sur une approche paléographique et historico-critique du Coran, afin de situer le Coran par rapport aux écritures judéo-chréetiennes. Nous renvoyons donc d'ici aux articles suivants où nous en avons traité :

Le Coran, comme source d'informations prémassotétiques.

Le Coran et les récits apocryphes.


Dans le dernier article, nous avons montré que l'idée que le Coran soit forcément erroné quand il diverge de la Bible est une erreur scientifique. En fondant notre analyse non pas sur les écrits réputés antérieurs au Coran, mais ceux qui lui ont matériellement préexisté.


C. Structure & composition : 


C.1. Le Coran aurait une structure désordonnée et serait une compilation composite de textes anciens :


Jusqu'à une époque très récente, le Coran était tenu pour une oeuvre réalisée sur plusieurs siècles et achevée dans le courant du IXeS. L'absence matérielle de manuscrits antérieurs au neuvième siècle et l'apparence décousue et sans fil conducteur du Coran semblant témoigner d'un tel état de fait. Or, plusieurs avancées majeures ont montré que cela n'était pas exact.


Coran de Birmingham, daté comme remontant vers 567 et 645. 


L'apparence décousu et le manque de support matériel confortant le Coran avant le IXeS conduisit certains chercheurs à soutenir la thèse qu'il serait le produit progressif d'une tendance arabe à rechercher un canon religieux. L'idée qu'il s'agirait d'un lexicaire d'écrits épars judéo-chrétiens fit son chemin, jusifiant d'une traite l'origine de l'ouvrage, ses similitudes aux écrits antérieurs, l'absence d'une collection entière jusqu'au neuvième siècle, et l'apparence décousue du livre.

Mais cette théorie s'estompat progressivement à partir de la deuxième moitié du XXeS. D'abord, des manuscrits originaux du Coran remontant pour certains selon les méthodes de datation absolue à l'époque des premiers caliphes, montrait que le support consonnantique du Coran était fondé dès l'époque des premiers témoins. Des manuscrits furent consécutivement retrouvés à Fustat, au Caire ou encore à Sanaa par dixaines. La thèse radicale d'une recension progresive était ainsi infirmée matériellement.

Plus récemment, une réponse scientifique à l'apparence décousue du livre a vu le jour. En effet, les soutrates étaient en réalité construites suivant des jeux de symétries thématiques, s'organisant suivant un procédé rhétorique sémitique. Cette découverte consolidant ainsi à la fois l'origine unique du Coran vers le VIIeS. Mais également la conservation très fidèle de la version voyellisée telle qu'elle a été retenue historiquement lors de la réforme de l'écriture arabe.

Soutenir une voyellisation forcée du Coran après la réforme de l'écriture arabe, quand le Coran circulait depuis trois siècles, était récité dans les prières et servait de source aux juristes, reviendrait à soutenir qu'un ouvrage classique aurait été modifié, sans en bouger les consonnes, et qu'aucune personne ne s'en rende compte. 

En effet, il aurait été impossible de dévoyer le texte du Coran de sa version connue, lors de la réforme de l'écriture arabe au IXeS, alors que l'ouvrage était le livre sacré de millions de fidèles. Qui plus est, en sorte de lui attribuer une structure aussi élaborée.

La découverte d'un palimpseste parmi les 53 Corans découverts à Sanaa a révélé qu'un manuscrit de Coran avait été gratté et réécrit. Le texte inférieur différent du texte canonique. Consolidant ainsi les chroniqueurs musulmans mentionnant la destruction sous Uthman Ier de variantes secondaires. Par ailleurs, parmi les corans détruits figuraient des variantes mentionnées dans les ouvrages anciens confirmant des variantes selon Abdallah ibn Mas'ud et Ubay ibn Ka'b [1]. Loin de remettre en question la fidélité des récits des chroniqueurs quant à la compilation du Coran, ces découvertes en ont consolidé la fiabilité et la neutralité.


C.2. Le Coran contiendrait des incohérences internes :



Une des allégations touchant le Coran, serait qu'il contiendrait des contradictions internes. Or, le Coran soutient qu'il ne comporte pas de contradiction. Il serait pour le moins insensé qu'un écrit défiant ses détracteurs de produire pareil oeuvre contienne des contradictions. Nous avons rédigé un article spécialement pour traiter de ce point, dont un lien est donné plus haut. Vu l'ampleur du sujet, il fallait le traiter en particulier. 


D. Contenu & enseignements : 

Le Coran a également été critiqué au sujet de ses enseignements, et la vraisemblance de ses récits. Il était divergent de la Bible, apparaissait contenir des récits mal compris de celle-ci, et enseignant des usages différents. Certains ont cherché à y trouver des incohérences historiques, scientifiques ou encore des contradictions  voir, des erreurs de grammaire. Nous renvoyons les personnes intéressées à nos articles en traitant car ce donaine est vaste, voir Étude Critique du Coran et Paleo islam.


D.1. Le Coran et la Bible :

Une des critiques fondamentales du Coran concerne ses divergences par rapport à la Bible, point d'autant plus souligné que le Coran s'identifie dans la continuité de la Bible.

En fait, nous pouvons organiser cette partie en deux branches. L'une, sur les divergences du Coran vis-à-vis de la Bible sur le plan cultuel d'une part, et les divergences sur le plan historique d'autres part.


D.1.1. Le Coran et la Loi :

Le Coran reconnaît les anciennes révélations comme émanant d'Allah, mais les attribue aux enfants d'Israël. En effet, la loi de Moïse que le Coran fait reconnaître et alléger à Jésus est adressée à eux, ne liant donc pas les autres peuples. Par conséquent, le fait que le Coran se revendique de Noé et d'Abraham est bien en conformité avec la Bible. D'autres part, le Coran identifie Muhammad comme le prophète annoncé par Moïse, qui doit selon le Deutéronum avoir l'autorité de transgresser la Loi de la Torah, du fait qu'il arrivera vers la fin des temps[2],[note].


D.1.2. Les récits des anciens : 

Le Coran reprochant aux anciens d'avoir déformé la façon de lire leurs écritures saintes, diverge sur les récits des anciens, s'éloignant de la version post-massoretique, et rejoignant les acquis archéologiques. Ainsi, le récit des fils d'Adam est épuré de la maîtrise de l'élevage et de l'agriculture, choses impossibles chez les premiers humains. Le récit de Noé devient une inondation locale, ne visant que les hommes de sa communauté. Le règne de Jacob en Égypte est affirmé, chose confirmée archéologiquement, puisque des canannéens ont bien règne sur l'Égypte dont un certain Yaqub har [4] à l'époque concernée. La fuite des enfants d'Israël ne se fait plus à l'intérieur du territoire égyptien, au désert du Sinaï mais au-delà de la terre promise, dont les fuyards sont dit avoir hérité après quarante ans d'errance. Jésus n'est plus un demi-dieu, mais le Messie d'Israël, reconnaissant la Loi et s'adressant aux israélites. Nous avons étudié ce sujet dans un autre article, nous renvoyons donc les intéressés vers ces articles dédiés.

Il y a cependant des ambiguïtés sur l'identification de certaines figures historiques. Par exemple Hāmān cité dans le Coran parallèlement à Pharaon au temps de Moïse, dont la Bible ne fait pas mention. Un Haman est cité dans la Bible dans le livre d’Esther au chapitre 7, pour une toute autre époque. Lors de l’exil des israélites en Babylonie. Il aurait été au service d’un Roi nommé Assuérus qui aurait régné sur un territoire s’étendant de l’Inde en Ethiopie, depuis la Perse, ils auraient persécutés les Juifs et Haman aurait été pendu, pour qu’ensuite les Juifs massacrent les gens hostiles de l’Inde jusqu’en Ethiopie avec l’autorisation d’Assuérus. Cela n’est évidement pas fondé dans l’histoire de la Perse qu’il y ait eu une conquête de districts de l’Inde en Ethiopie ni de roi nommé Assuérus. Ce n’est d’ailleurs pas le seul personnage biblique qui n’est pas du tout connu dans la réalité [note]

La mention de Hāmān dans le Coran vient en  (28: 6,8,38), (29: 38,39), (40: 24,36-7), il serait question du dieu Amon [note]

Il y a pareillement une ambiguïté sur deux passages où dans l'un d'eux le Coran désigne Marie comme "soeur d'Aaron", et un second où il nomme le grand-père de Marie Imrān. Une proximité avec Myriame, soeur de Moïse et d'Aaron, dont le père est nommé Amram dans l'Exode prête à confusion. Cependant c'est là une comparaison hâtive.

Le fait de citer une personne à côté d'une autre illustre était d'usage à l'époque. Mais alors pourquoi Aaron, et pas Moïse ? Il y avait environs quatre-millions de juifs dans l'empire Romain du vivant de Marie, la probabilité qu'elle ait un frère nommé Aaron, du nom de leur ancêtre commun est plus que probable statistiquement, d'autant plus que le nom de soeur était employé pour les liens de cousinage dans un sens plus large. Or, qu'un Aaron respecté, cousin de Marie, existe à l'époque est même inévitable. 

Quoi qu'Amram et Imrān soient phonétiquement proches, ils ne sont pas identique. Les noms des parents de la vierge Marie ne nous sont pas connus de façons sûre, cependant certains écrits tardifs les nomment Hanna et Johachim. En fait, Johachim signifie "Dieu dresse", en arabe la racine عمر [ʔmr] a entre autre le sens de dresser, entretenir, de prospérer (Cor. 9:18). On dira عمر دارًا [ʔmara dāran] pour le dressement d'une maison. C'est la racine du nom عمرن  [Imrān], il s'agit du schème فعلان [fiˤlān]. Le nom Imrān est donc une arabisation du nom de Johachim. La prononciation du prénom Johachim [יְהוֹיָקִים] en arabe suscite en effet un calembour, signifiant "stérilise" [يعقىم]. Il y a donc également antynomie entre le sens de Johachim en hébreu ou En arabe  translittéré : stérile >< prospère. Il aurait été maladroit de dire : "L'épouse de Stérilise dit : 'Comment aurai-je un enfant, alors que je suis stérile et que mon mari est âgé ?'.

Dans la culture sémitique, il est d'usage de traduire dans sa langue le sens du nom d'une personne portant un nom étranger, comme يحيى pour Jean, Juan ou Jan, ou  زهرة pour Fleur. De plus lorsqu'un prénom avait un sens négatif ou péjoratif, il était d'usage de le changer. Comme avec Abraham et Sara dans la Bible. Pareillement, dans la Bible, le beau-père de Moïse est tantôt nommé Jethro [יתרו] (Ex.3,1), tantôt Re'uil [רעואל] (Ex.2,18). Cette souplesse à modifier les noms est assez caractéristique chez les anciens peuples sémites, quoi que cela puisse dérouter un lecteur moderne.

Un principe similaire justifie les prénoms Asiya et Chu'ayb du Coran. Asiya signifie "rebelle", plausiblement pour la femme de Pharaon qui le renia pour la cause de Dieu [5]. Le nom de Jethro vient du grec, signifiant excellence, et prête à calembour [جثر] qui signifie perche, pareil pour Rawīl qui contient  [وىل], signifiant "malheur", double souci puisque רעו signifie "mauvais" en hébreu. Chu'ayb signifiant l'idée de "nation" ou de "prendre partie" au superlatif rend le sens du dernier retenant l'idée de pasteur.

Remarquons que  les noms de Noé, d'Adam etc., dans la Bible ne peuvent pas être les noms des personnages historiques, puisque l'hébreu est une langue extrêmement tardive dans l'histoire de l'humanité. C'est le sens de leurs noms qui est rendu... Le cas d'Imrān n'est donc pas un cas à isolé à travers les saintes écritures.


D.2. Le Coran et la science :

Le Coran dans sa version originale en arabe a la particularité d'être rédigé dans un style très particulier. Il ne contient pas de donnée chronologique ou toponymique, et comme il use largement de mots polysémiques, et a un style d'une sereine simplicité. Ce qui conduit à ce qu'il devienne impossible d'y trouver une incohérence, une contradiction ou une erreur scientifique. Cette particularité extraordinaire du Coran est défendue par le Livre comme la marque de Dieu. Le Livre touche à tous les domaines, et demeure inattaquable. Il met en défi ses interlocuteurs de tenter de rédiger un ouvrage fût-il partiel aussi éloquent et affirme que nul n'en sera apte. Ainsi, le Coran est un ouvrage à part, inattaquable quant à son contenu. Le Coran n'ayant pas pour vocation d'enseigner les sciences, le fait qu'il ne soit pas en conflit avec les acquis scientifiques suffit de fait au fidèle pour s'accommoder des progrès techniques et technologiques. 










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[1] Kitāb al-maṣāḥif, Ibn Abī Dāwūd.

[2] Voir commentaire de Rachi touchant le verset (Devarim, 18:18-19). 

[3] Selon ce verset, lorsque le Messager oubliait un passage du Coran, il en recevait un semblable ou un meilleur. Cela signifie, que plusieurs variantes ayant dû être mémorisées par les fidèles ont dû coexister après lui.

[4] Il est génétiquement parlant acquis qu'un cananéen remontant au XVIeS BC doit être un ancêtre commun de tous les individus de la région plus de quatre siècles plus tard, vu la faible démographie à cette époque.

[5] Sachant qu'il était d'usage de nommer les épouses de pharaon par "Aimée d'Amon", "La plus belle de toutes", etc.




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